Prologue

before sunrise
tw: adoption, décès, religion, injures (de la religion surtout)

Papa et maman, tout emmourachés qu'ils étaient, n'avaient pas fait attention à la route. Sa mère était déjà morte quand elle a poussé son premier cri. Son père n'aura pas tardé à suivre. Qu'est-ce qu'on fait à des enfants sans parents ? On les donne, comme des jolies lampes, avec espoir qu'ils parviennent à briller malgré la tragédie.

Au couvent, dans l'une des énième rues malfamées du Bronx, Aud a arpenté les couloirs au grand damne des sœurs. Peut-être qu'elle tenait ça de ses parents, comme ses traits orientaux, elle était aventurière, intenable, incapable de rester dans son lit, toujours, sans cesse, en quête d'interdit. Pourtant, elle apprenait vite. L'avait retenu toute la bible en une semaine. Mais elle avait préféré en faire des avions en papiers. Seulement, on ne rigole pas avec le sacro livre saint. La môme, elle, elle attendait juste que son père et sa mère réapparaissent. Le Christ a bien ressuscité après tout. " Sale privilégié qu'il est !". Seulement, on ne rigole pas avec le grand patron. Elle ne pouvait même pas vraiment se tourner vers les autres gosses. Z'étaient tout tristes, comme si déjà, leur vie était finie. En plus, i.e.ls pleuraient pour rien, tous les ans, y en avait un qui partait, accompagné. Par un papa et une maman. " C'est tous des trous de balles, j'les déteste !". Seulement ça se fait pas d'insulter ses camarades. Elle, elle continuait d'attendre. On lui avait dit qu’elle ne souriait pas assez. Elle faisait que tirer les cheveux des filles. Elle était toujours sale. Elle hurlait dès qu'on lui demandait quelque chose. Elle voulait partir. Mais personne ne le lui autorisait. Et derrière tous ses actes, derrière chaque insulte, chaque phrase assassine, on parlait d'une gamine de huit piges qui voulait simplement ce qu'ont tous les enfants à cet âge : l'amour de ses parents.

Quand elles sont arrivées, Aud les a trouvés bizarres. Pourquoi elles la regardaient toutes les deux comme ça ? Y avait des machins brillant dans leurs yeux. Elles ne lui ressemblaient pas. Probablement qu'elle s'attendait pas à ça. Elle s'attendait à quelqu'un 'comme elle'. Elena et Mary. L'une blonde aux yeux plus clairs que l'âme de la vierge Marie. L'autre rousse, aux tâches de rousseurs en forme de cœur. Leur faisait pas confiance, Aud, et les soeurs non plus. Quand elle s'est rendu compte de ça, elle était déterminée à être adoptée par Elena et Mary. C'était un objectif ultime. Elle avait six ans, mais elle s'amusait à faire des areuh areuh gênants. Faut croire que c'était attendrissant à défaut d'être sensé. La bataille avec les sœurs fut vive. Deux femmes pour adopter une gamine instable, elles auraient au moins pu être soulagées. Mais dieu a ses voies, et elles n'incluent visiblement pas deux mères pour un enfant. Elle l'avait dit Aud, "Quel connard, c'dieu de chiotte."


before sunset
tw: drogue, maltraitance infantile (passive), décès, adoption
L'histoire fut brève mais belle. Cinq années de bons et loyaux services des parentes aimantes n'auront pas suffit à maintenir le couple. Faut croire que même les femmes entre elles peuvent se faire très mal, parce que ça a brisé le cœur d'Elena quand Mary lui a dit qu'elle avait revu son ex. Aud aurait juré qu'elle avait entendu le palpitant se briser. Mais elle jurait qu'avec des gros mots, donc elle avait pas pu en être certaine ni le dire à voix haute. L'était bien en peine.

A treize ans, Aud avait finit par découvrir ce que c'était d'avoir une pharmacie chez soit. Une vraie pharmacie. Pas seulement les pansements, les doliprane et les désinfectants. Au début, c'était pour de réelles douleurs. Elena avait bobo au corps et Aud était sûre que c'était son cœur qui cognait partout. Quelques années après, elle avait compris qu'il y avait pas de bobo au corps et qu'un cœur, même brisé, ne venait pas cogner chaque parcelle de son être. Pas physiquement, en tout cas. Elle était juste droguée, accroc à la morphine, au fentanyl ou à l'ocytocine. Y avait plus rien à faire. Fallait la regarder se désagréger. C'était une étoile qui se mourrait, tout simplement. Ce temps, plutôt que de le passer à contempler la dégringolade, elle s'dit qu'elle pourrait au moins se rendre utile. En trente jours, elle avait appris à faire un garrot, a trouver une veine et à injecter n'importe quelle substance. Elena était sacrément épatée, mais après tout, c'était bien elle qui lui avait tout montré. C'est peut-être pour ça qu'elle lui a dit que c'était pour elle qu'elle faisait ça, pour rester en vie avec elle. Aud osa jamais la sortir de cette transe pour lui montrer le taudis dans lequel elles avaient fini par vivre. Une gamine de quatorze ans, ça veut bien faire les courses et le ménage, mais c'était au moins plus intéressant de savoir comment faire des intraveineuses. Ou alors, Aud s'en était persuadée, histoire de garder un peu sa maman. A quinze ans, de toute façon, y avait plus de maman. Elle avait pas suivit l'emploi du temps de sa fille qui avait finit par être son infirmière. Un shoot de morphine toutes les six heures. Non, elle s'était montrée impatiente, Elena avait pris une dose en cachette, sans rien dire. Alors quand l'ado avait injecté le produit, elle s'attendait pas à voir les yeux de sa mère se ferment à jamais. Les tâche de rousseurs ne ressemblait plus à des cœurs depuis longtemps.

C'est assez drôle, quand on y pense. Aud avait toujours crû qu'il n'y avait qu'Elena dans sa famille. Eventuellement Mary, mais vu qu'elle vivait sa meilleure vie avec son ex, l'ado était pas surprise de plus la revoir pas même à l'enterrement. Pourtant, une fois qu'on a une ado qui traine le corps de sa mère morte, y a de la famille qui rapplique. C'est ainsi que la gamine découvrit la Famille Hortense. Et en particulier Madelyne, George, Baptiste et Eshter. Petite famille habitant à Manhattan, Assistante médicale et chirurgien, deux enfants d'à peu près l'âge d'Aud, qui débarquent de nulle part. Si elle s'attendait à sortir de son Bronx, elle aurait éventuellement fait un pari sur la vie. C'était probablement la famille rêvée, celle que tous les gamins du couvent convoitaient. Pourtant, c'était un cauchemar pour Aud. D'une certaine manière, libérée de son enfer, elle avait pensé qu'elle pourrait vivre seule, autonome. Peut-être pas d'amour et d'eau fraîche, mais au moins de bières et de cigarettes. Mais soudain, les Hortense tenaient absolument à se racheter une conscience en adoptant Aud, la fille adoptive de la défunte tante. Y avait personne pour la sortir de son cercle infernal il y a trois ans, mais tout le monde rappliquait quand la mort avait gagné. C'est moins compliqué de payer le cercueil que de payer la cure. "Tous des fils de chiens"

before midnight
tw: drogue, classisme, rats, drogue (mention)
D'aussi loin qu'elle se rappelle, Aud a tout fait pour les détester. Et elle les déteste sans aucun doute. Les Hortense. Cette famille qui aime plus encore le Country Club que leurs Rolex. Parce que porter une Rolex si ce n'est pas pour l'afficher, quel est l'intérêt ? Mais il faut leur reconnaitre une chose, ils ont sut la mettre sur une voie. Désintéressée des cours, en échec scolaire cuisant, ils réussirent à la persuader qu'elle était faite pour être médecin. Elle était précoce dans le maniement des seringues, faut dire. Y avait de quoi vouloir la garder sur le bon chemin. Mais elle était aussi très précoce pour donner son avis. C'était pas la plus évidente des gamines alors qu'elle, elle s'était faite virer en deux mois du lycée privé. Pas pour rien qu'elle était dans le public et après tout, Madelyne et George étaient satisfait. Ils avaient moins à payer. Quant à Baptiste et Esther, au moins, i.e.ls n'avaient pas à la supporter ailleurs qu'au domicile. C'était bien suffisant.

En 2018, quelque chose d'absolument idéal s'est produit? Aud a réussit ses examens avec mention. Stupeur et tremblements, qu'allait-elle bien décider ? Aud avait pas le meilleur comportement, mais certainement le bon raisonnement. Intégrer une école de renommée, cela facilitait grandement sa possibilité de devenir quelqu'un de riche. Et aussi respectable. Mais, c'est mieux d'être riche et respectable, les deux en même temps. De quoi confirmer à sa nouvelle "famille" non choisie qu'elle était prête, qu'elle valait mieux que sa défunte mère, qu'ils n'avaient pas à s'inquiéter que leur nom soient souillé par une fille qui n'était même pas la leur. Ca avait été limite quand Columbia avait d'abord refusé son inscription. Mais miracle, les pots de vin, ça marche super bien.

Son intégration à la fac de médecine avait été plus douce qu'une plume sur la peau d'Esther la parfaite. Elle était douée. Elle était sûre qu'elle y arriverait. Teddy était un élément centrale de toute l'affaire. Teddy le beau, le doux, le prévenant. L'était gentil comme bougre. Elle savait qu'elle le voulait dès sa première soirée d'intégration. Elle avait tout fait pour retrouver ce truc dans le regard, que ses maman avaient, c'est machins qui brillent. Peut-être qu'elle les avaient quand elle le regardait, elle a jamais su. Au bout d'un an, il a pas trop aimé découvrir qu'elle avait appris à trouver la veine idéale pour l'anesthésie des patients en droguant sa maman. Encore moins voir débarquer un ancien voisin à elle pour demander si elle avait pas un peu de reste d'antan. Mais Aud, elle s'disait qu'il comprendrait. Il savait, elle lui avait dit qu'elle était une enfant des rues, qu'elle n'était pas une sainte, ni même une bonne personne. D'une certaine manière, elle avait fait comme avec Elena, elle avait accordé un peu trop de confiance, elle s'était persuadée d'y croire, un peu comme les Hortense.

Il aura suffit de vingt-quatre heures pour que la rumeur enfle. Vingt-quatre heures. "Ils savent pas ce qu'ils ratent ces enfoirés". Aud, elle est au-dessus de ça. Elle a pas besoin de ce monde. Pas celui où le moindre changement implique de revoir sa copie et de changer de chemise. C'était pas pour elle. Elle l'avait bien dit à Teddy, c'était pas une fille bien après tout. C'était une enfant des rues.

Alors elle y est retournée. C'est plus facile que d'affronter les regards et de perdre de sa splendeur. L'a tout abandonné, tout ça pour remettre les pieds dans son quartier tout abîmé. Abîmé à son image, après tout. Et abîmés avec les autres, ceux qu'elle a décidé de rejoindre. Franchement à contrecœur quand elle a vu les rats qui passaient par là. Mais c'était un peu des rats eux-mêmes, alors peut-être qu'elle était au bon endroit.