Alix regarde l’immeuble qui se dresse devant lui d’un air renfrogné. Manhattan n’est pas vraiment son quartier de prédilection, lui qui traîne depuis toujours dans le Queens. Et se rendre chez les pétés de thunes, ce n’était pas dans sa bingo liste de 2023. S’il a accepté d’être là, c’est uniquement pour passer du temps avec Aud. Elle lui a proposé de venir garder le lapin de l’autre abruti là et il n’allait certainement pas refusé. A défaut d’être doué avec les êtres humains, Alix a au moins le mérite de l’être avec les animaux alors autant en profiter. En passant devant les boîtes aux lettres, il s’approche pour chercher le nom de Jun Goode. Est-ce qu’il pourrait… Sa réflexion s’arrête lorsque son regard croise celui de son amie.
« C’est bon j’ai compris, je la touche pas ! » qu’il lance en levant les mains en l’air avant de se décider à la suivre d’un pas traînant. Ugh, pourquoi tout brille autant ? C’est dégoûtant.
Mains dans les poches, casquette hissée sur la tête, il aperçoit une dame non loin de là qui ne se gêne pas pour l’observer de haut en bas pour mieux le jauger. Mais à peine a-t-il le temps d’ouvrir la bouche qu’elle déguerpit aussitôt chez elle en prenant bien soin de fermer la porte à double tours.
« C’est quoi son problème à la vieille ? » qu’il lance plus pour lui-même que pour Aud qui a l’air de connaître les lieux par cœur contrairement à lui qui se demande encore ce qu’il fout ici.
Et alors que les deux rentrent dans l’appartement de Jun, la bouche d’Alix s’ouvre machinalement. Il n’aurait jamais pu mettre les pieds dans un endroit pareil de lui-même, n’aura jamais ne serait-ce que le quart de l’argent nécessaire à l’acquisition d’un tel appartement. Il a envie de tout casser soudainement. De prendre les tableaux sur les murs et de les jeter par terre. D’ouvrir ce frigo gigantesque et balancer les œufs par terre. Tout paraît trop propre, trop parfait. Est-ce qu’il a déjà dit qu’il détestait les riches ? Non ? Alors sachez-le : il les déteste. L’argent ne fait pas le bonheur mais visiblement, le compte en banque de Jun Goode pourrait lui permettre de résoudre pas mal de ses problèmes à lui. Il renifle dédaigneusement alors qu’il passe un doigt sur un meuble comme pour vérifier la poussière. Mais pas une seule trace. Pas étonnant, le sugar daddy d’Aud a bien les moyens de se payer quelqu’un pour faire les tâches ménagères à sa place.
« Je comprends mieux pourquoi tu traînes avec ton gigolo maintenant. » dit-il à son amie alors que son air grincheux ne veut pas le quitter. « L'est où le lapin ? »
En attendant la réponse de son amie, Alix s’avance vers la cuisine ouverte sur le salon pour fouiller le frigo à la recherche de quelque chose à grignoter. Bah quoi, il a bien le droit de se remplir la panse en échange de garder le lapin d’un inconnu ? Ou plutôt, de quelqu’un qu’il n’a absolument pas envie de connaître. Aud parle beaucoup trop de lui, passe trop de temps chez lui. Alix préfèrerait qu'elle soit avec lui mais visiblement, impossible de rivaliser avec un pauvre type qui n'a que des restes Uber Eats dans son frigo. Franchement, à quoi s'attendait-il de toute façon ?

@aud smith

Alix observe son amie essayer d’appâter le lapin avec un sourire quelque moqueur au coin des lèvres. Si lui n’est pas doué dans les relations humaines, Aud l’est encore moins avec les lapins visiblement. Mais son sourire s’éclipse dès que cette dernière fait mention du gigolo qui vit dans ses lieux comme son ami. Pfff, mais qu’est-ce qu’elle peut lui trouver ? Pas comme si Alix n’avait pas fouillé son Instagram jusqu’à remonter aussi loin qu’il a pu pour comprendre comment ce crétin pouvait l’intéresser. Doit-il se teindre en blond, lui aussi ? Oh non, pas ça. Il l’a déjà fait par le passé lors de sa sombre adolescence et il a fait en sorte de supprimer chaque photo montrant son délit. Ce n’est pas grave, il trouvera autre chose pour plaire à Aud.
« Ton ami, ouais. » qu’il se contente de répliquer d’un air dédaigneux, toujours autant de bonne humeur. Mais il doit faire des efforts. Aud aurait pu faire venir n’importe qui d’autre que lui ici, l’un de ses débiles de colocataires entre autre. Mais non, elle a décidé de le choisir lui : le seul et unique Yung de sa vie. « Bah non j’bouge pas, je laisse faire la pro. »
Alix décide tout de même de se décaler du frigo histoire d’observer la cage du lapin complètement ouverte. Il commence alors à fouiller de nouveau les placards, cette fois-ci à la recherche de graines ou de racines pour attirer l’animal qui doit être mort de peur quelque part sous un meuble. En même temps, il ne peut pas lui en vouloir… Lui aussi a peur parfois face à Aud mais chut, faut pas l’dire. Il se retourne lorsqu’il entend Aud revenir dans la pièce pour lui balancer la laitue à la tronche. Bah tiens… Gratuit, comme d’hab.
« Ouais okay, mais après tu m’le montres ce jacuzzi. J’ai pris mon maillot exprès. » dit-il tout en lui montrant son sac qui traîne dans un coin de la pièce.
Certes, Alix est le premier à critiquer les riches (et tout le monde devrait faire comme lui à son humble avis) mais ce n’est pas pour autant qu’il ne va pas profiter de ce que ces derniers ont à lui offrir. Sans perdre une seconde de plus, il se met à genoux par terre avec des graines dans les mains à la recherche du fameux Grogu… qui est bel et bien sous le canapé, à quelques mètres de sa cage, dans un coin bien caché.
« Groguuuuuuuu… Regarde, des graines. Miam, miam ! » commence-t-il à dire d’une voix étrangement douce, avant de se rappeler qu’il y a Aud qui l’observe et que c’est certainement ridicule de faire sa voix pour les animaux devant elle. Arg, la honte. Alerte à la masculinité fragile pour Alix… qui oublie aussitôt de jouer l’homme viril lorsque le fameux lapin vient grignoter dans sa main et qu’il peut l’attraper. Il se relève, le lapin dans les bras qu’il caresse pour calmer les légers tremblements. « Mais t’es trop mignon, toi. T’es un beau p’tit lapin, oui, oui. C’est rien Grogu, elle est pas méchante Aud. T’as eu peur ? Regarde, elle est gentille quand elle veut. »
La délicatesse n’est pas le fort d’Alix – excepté avec les animaux. Il s’approche alors de son amie et lui fait signe de caresser le lapin. Bon, il se doute que l'animal a plus peur de lui que d'Aud dont il est habitué à la présence ici mais bon... Au moins, il se calme petit à petit.
« J'sais que j'ai pas le droit de voler des objets de valeur ici mais... Le lapin, j'peux non ? ». Bah quoi, sait-on jamais... Sur un gros malentendu, peut-être bien qu'Aud acceptera.

@aud smith