La scène ? Ça a longtemps été toute ta vie. Et puis aujourd’hui… aujourd’hui tu ne sais pas. C’est différent. En fait, t’as perdu l’habitude, dès lors qu’on t’a empêchée. Officiellement, t’as justifié ton absence par la préparation d’un nouvel album. Mais ceux qui te connaissent réellement ne sont pas dupes : ton rapport au public est organique. T’as besoin de le voir danser, chanter, de partager avec lui les soirs de fête. Non, la préparation d’un album n’est clairement pas prétexte pour toi qui ne tiens pas en place. En fait, c’est pas que tu ne sais pas : c’est que tu te sens rouillée. T’as peur de ne plus être dans le vent, de ne plus savoir faire partie du jeu. Malgré plusieurs passages dans leurs murs,t’as d’abord été surprise qu’on te propose de faire partie de la programmation du Sheld, mais t’as pas hésité une seule seconde. Te voilà donc là, à regarder, rêveuse, le groupe sur scène et la belle Lili, avec qui tu commences à sympathiser à mesure que tes visites ici s’enchainent. Tu lui adresses un sourire « bravo, t’as été géniale ! » que tu lances, applaudissant, avant de hausser les épaules « on est jamais prêt pour ça. Mais… J’avais trop hâte ! » que tu avoues, non sans joie : les retrouvailles avec la scène ont beau se répéter ces derniers temps, t’as toujours cette même sensation indescriptible qui te remplit et te prend aux tripes. Tu montes sur scène sans attendre : tu te sens vivante, plus que jamais prête à faire le show.

On t’a connu plus investi dans une discussion. Pas que ce que te raconte Happy ne t’intéresse pas, en fait, il est le seul à savoir capter ton attention avec autant de ferveur, d’habitude. Ou presque . Parce que si tu veux être honnête à trois-cent pourcents, t’es jamais très concentré, quand Lili est dans les parages et il n’a pas fallu plus longtemps à ton meilleur pote pour te griller : et merde. Tu grimaces. T’es à la foi blasé et agacé d’avoir été cramé aussi facilement ; et t’es quasiment sûr que ça le fait marrer. Tu ne relèves pas. En fait, t’écoutes à peine ce qu’il peut te raconter : t’observes Lili qui discute avec Lemony, pressé de retrouver la première et aussi content que surpris que Lem ait accepté l’invitation aujourd’hui. L’espace de trois secondes, tu te surprends à imaginer une collaboration entre vos univers. Un travail à trois ? T’as pas souvenir de l’avoir fait depuis un moment, et t’aimes sortir de ta zone de confort. Et… merde. T’as entendu qu’Happy t’avait posé une question, mais t’étais bien trop ailleurs pour la comprendre réellement. Ton regard se pose de nouveau sur ton pote, mais il trahit ton atterrissage forcé « hum ? Ouais ouais, carrément ! » que tu te contentes de répondre, priant pour que ça passe.