Un merci spécial

C’est un soir un peu différent des autres.

Depuis qu’elle a ouvert sa nouvelle boutique, plus grande avec plus d’employés, elle a du temps. C’est une bonne chose d’avoir du temps, mais parfois, elle regrette le temps où elle ne faisait que de la pâtisserie. Parfois la France lui manque et avec elle, le restaurant, Thomas, le mariage... C’est dur.

Il y a des jours plus dur que d’autres. Des jours où les cicatrices font plus mal et qu’elle remercie intérieurement Lou de l’option de vivre chez Adrian. Il n’est pas facile, il est agaçant mais, il est aussi gentil et parfois il sourit. Elle aime bien quand il sourit.

Elle rentre chez...eux ? Non, chez lui ; plus tôt avec une idée en tête, le remercier. Encore. Elle n’a de cesse de le remercier même quand ils se chamaillent parce que sans lui, elle serait à la rue. Ou dans un motel miteux car l’argent qu’elle gagne elle le remet dans sa pâtisserie/salon de thé pour avoir les meilleurs produits. Elle ne gagne pas grand-chose, elle se paie juste ce qu’il faut parce que les produits français, ça coute cher. Le loyer coute cher. Les employés coutent chers ; même s’ils sont tous adorable.

Alors ce soir, elle veut le remercier de nouveau. Ça fait longtemps qu’elle n’a pas vraiment cuisiner. En soit, un mac’n’cheese c’est pas un véritable repas pour elle. C’est du va-vite mais elle sait qu’il adore ça. Alors, elle le fait en fredonnant.
La musique à fond, elle se déhanche en sachant qu’il ne sera pas là avant quelques heures. Il ne faut pas qu’il la voit si... comment la décrire ? Pleine de vie ? Ça lui arrive quand la musique lui fait oublier la France. Et petit à petit, elle y arrive de plus en plus, à oublier le restaurant du moins.

Son instant préféré, là où elle prend le plus de plaisir c’est pour faire le dessert. Il est simple, Adrian, ça se ressent dans ses gouts et elle aime ça. Non pas qu’elle l’aimerait plus s’il lui donnait un meilleur défi, mais elle l’aime bien. Et puis, qui parle de l’aimer plus ? Ça ne dure que quelques semaines.

Retournons aux fourneaux où elle exécute une parfaite apple pie. Légèrement glacée, très bien cuite, la pâte croquante. Elle sait que ça fera son effet car elle connait ses propres compétences et le succès de sa pâtisserie n’est pas sans rappeler son savoir-faire.

Puis, après tout ça, après avoir installé sur le plan de travail un magnifique bouquet de rose blanche, comme elle les aime. Parce que rouge, ça aurait donné un tout autre aspect à ce repas... elle part se changer.

Elle enfile une robe noire, courte certes mais qui ne montre aucun morceau de chaire tendancieux. Elle ne cherche pas à le séduire. Enfin, si, ses papilles, mais pas lui ; elle veut le remercier.

Elle a même acheté du vin.

Dans un autre contexte, ça sonnerait très « date », mais ça n’est pas le cas, vraiment pas.

Elle dresse une belle table avec ce qu’il a chez lui, c’est pas aussi beau qu’elle le voudrait, mais une fois encore, ça n’est pas un « date ».

Puis, elle entend les clés dans la serrure, elle prend les deux verres et se tournent vers la porte, souriante au possible, l’œil pétillant avec les odeurs de nourriture qui embaume la pièce.

- Bonsoir, lui dit-elle en lui tendant le verre de vin.