Lower East Side, 2014

Marius Benson tourne dans son appartement comme un lion en cage. Il faut dire qu’il est rongé par le stress depuis des jours. Ce qui leur arrive est une injustice et Marius n’a pas l’intention de se laisser faire, non monsieur ! En à peine trois mois, deux résidences ont déjà été pillées de leur plus belle œuvre d’art. Autant vous dire qu’il n’a pas l’intention de laisser son si précieux Magritte, héritage de sa grand-mère, sans surveillance. Non, il lui faut un plan. Il l’a bien dit à son épouse : s’ils doivent attaquer la gérante de l’immeuble en justice pour se faire entendre, ils le feront, mais il est ab-so-lu-ment hors de question de se laisser faire comme le font ses voisins. Il faut laisser la police faire son travail, M. Benson, voilà tout. Et puis quoi encore ? C’est bien beau, mais ils semblent bien vite oublier que la police n’a pas l’air prête de retrouver les précieux bronzes qui leur ont été dérobés la semaine dernière.

Marius aura une longueur d’avance, lui. C’est dit : si ce brigand compte sévir chez lui, il faudra d’abord lui passer sur le corps. Métaphoriquement. En vérité, il faudra surtout passer outre le dispositif d’alarme digne des meilleurs films d’espionnage pour lesquels il s’apprête à débourser une bonne partie de sa fortune…

Lower East Side, 2019

C’est arrivé un soir de pleine lune, comme un mauvais présage si tant est qu’on y croie. Mrs Morrible aurait pu jurer qu’elle a entendu la police faire son entrée dans la résidence depuis le quatrième étage ! Elle aurait d’ailleurs pu parier gros sur son voisin d’en face, le rockeur qui n’est là que quelques mois par an et qui arrive malgré tout à empester tout l’étage avec ses cigarettes qui font rire ! Un homme aussi louche que lui ne pouvait que se faire arrêter un jour où l’autre. Mais non. Ses copines au club de bridge n’en avaient pas cru leurs oreilles quand elles avaient appris que les policiers étaient en réalité là pour emmener le concierge. Ce bon vieux John Valjon avait réussi à berner tout le monde. Lui qui était pourtant si serviable et gentil. Comme quoi, il ne suffit pas toujours de bien présenter pour être honnête. Ce petit brigand n’avait pas pu s’empêcher de trahir la confiance de tout le monde en dérobant des œuvres d’art aux mêmes résidents qui le payaient très cher pour les accommoder. Mais tout était terminé, à présent. Le voleur était derrière les barreaux et Mrs Morrible n’avait plus besoin de se faire un sang d’encre pour ses possessions.

Du moins, c’était ce qu’elle croyait…

Lower East Side, 2024

Depuis son balcon du septième, Genevieve scrute la silhouette de Manhattan qui s’étend devant elle en fumant une cigarette. Avec John Valjon innocenté, elle avait dû se montrer plus prudente. Mais à nouveau, les éléments jouent en sa faveur. Son complice avait pourtant commis une grave erreur lors de leur dernier casse, une erreur qui aurait pu mettre la puce à l’oreille de sa voisine de pallier si l’arrivée de ce Charles Vanderbilt Jr dans l’immeuble n’avait pas fait autant de bruit. Il faut dire que ce jeune homme n’a pas l’âge de ses moyens, et que personne n’a la moindre idée de ce qu’il peut bien faire de ses journées, si ce n’est organiser ses soirées de philanthrope durant lesquelles il aime montrer l’étendue de son opulence. D’après les rumeurs, son père aurait hérité d’une fortune colossale qu’il faisait fructifier dans l’immobilier tout en laissant son fils unique en profiter. Fils qui avait détourné l’attention de tout l’immeuble le jour où il avait posé ses valises à Astor House deux mois auparavant, laissant au passage à Genevieve un boulevard sur lequel naviguer.

Peut-être même qu’un jour, elle s’attaquerait à son nouveau voisin préféré. Mais pas tout de suite. D’abord, elle profiterait de sa réputation douteuse pour lui faire porter le chapeau de ses prochaines actions…

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