manhattan, 2014

Le hurlement retentit de manière tellement stridente que l’espace d’un infime instant, Ned a l’impression que la musique s’est arrêtée pour que le silence permettent à chaque âme présente d’entendre la panique qui se dégage des toilettes. Dewey qui est en train de preparer un cocktail en oublie de lever la main pour limiter la quantité de rhum qui est en train de rejoindre le shaker… dans leurs esprits synchronisés - ils ont toujours été sur la même longueur d’ondes - voila qu’ils s’imaginent volontiers qu’ils vont se diriger d’un pas inquiet mais décidé vers les toilettes ou ils vont forcément découvrir un cadavre - ou pire. Ils retiennent un peu leur souffle quand ils ouvrent la porte des toilettes pour y découvrir Lucille, une cliente visiblement pas assez habituée, perchée
sur le lavabo, le doigt tremblant pointé vers la porte des deuxièmes toilettes. Ned n’a franchement jamais compris comment les gens pouvaient être effrayés par des bestioles aussi minuscules que des cafards - comme dit souvent Dewey, "c’est pas la petite bête qui va manger la grosse, merde !". Il se retient de dire qu’il faut pas hurler comme ça, qu’il a eu peur, qu’il était occupé - et se penche plutôt pour emprisonner la bête dans un mouchoir. Il déteste tuer les bêtes, c’est pas parce qu’on écoute du hard rock ici qu’on aime être un assassin. Ca va, il va le mettre dehors, le cafard...

manhattan, 2019

Ils l’ont échappé belle, franchement. L’inspectrice qui est venue n’était pas commode - Mrs Trunchball a regardé les moindres recoins du bar en prenant des notes sur un téléphone flambant neuf. Quelques jours plus tard, ils ont reçu un courrier recommandé et ils ont bien pensé que c’était la fin, cette fois-ci - mais non. Ned a lu le courrier et ils ont gagné un léger sursis. Dewey est quand même triste malgré le fait que le bar ne ferme pas tout de suite, parce qu’il sait bien qu’ils ne pourront jamais faire toutes les transformations qui sont demandées dans la liste. Cela voudrait dire augmenter les prix, diminuer les quantités - et ce n’est pas pour ça que leurs clients viennent. Ils préfèrent supporter quelques traces sur les verres mal rincés et deux trois insectes dans les toilettes plutôt que d’empêcher leurs clients habituels de retrouver leurs cocktails favoris à la fin d’une semaine chargée à moindre coût - c’est comme ça. Et s’ils ne veulent pas vraiment l’avouer, en glissant le courrier dans une pile d’autres papiers dont ils ne se sont pas vraiment occupés, ils savent bien que quelque part, ils signent la fin du Black & White...


manhattan, 2024

Hedwig a du mal à respirer, mais contrairement à toutes les autres fois où c’est arrivé, ce n’est pas à cause d’une angoisse latente liée à son ressenti ou ses convictions. Elle glisse un doigt sur le collier suspendu autour de son cou, et observe son oeuvre. Son père doit être en train de s’agiter, de là où il est - elle l’imagine, les traits déformés par la colère, la peau du cou toute rouge et les yeux assassins. Ça la fait rire, d’imaginer son père comme ça. Jamie ne s’interrompt pas dans ses activités, iel a l’habitude de la voir rire pour rien. C’est toujours mieux que de se mettre à pleurer. Hedwig a du mal à croire qu’iels vont faire ça ensemble. Ouvrir ce bar dont les couleurs sont vives et jolies, porteuses d’un message d’espoir et d’optimisme. Elle se sent prête à sauter dans le bain d’une nouvelle vie plus heureuse, plus détendue, presque enivrée par les projets qui s’annoncent et par le bonheur qu’elle touche du doigt. C’est nouveau, intriguant, attirant - et c’est exactement ce qu’elle veut offrir à tous les gens qui pousseront la porte de ce bar désormais. Dans un coin du bar, Axel, leur barman, lui offre un sourire et dépose devant lui un cocktail rose à paillettes qui contraste étonnement avec son air un peu rustre. Hedwig et Jamie s’approchent ensemble, d’un pas décidé, pour goûter la nouvelle version de leur cocktail star, qui est en cours de perfectionnement depuis l’ouverture du bar.

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