tw : tabac.

Mina lisait en elle comme dans un livre ouvert. Sans doute le résultat de leurs si longues années d’amitié, presque une vie entière qui ne laissait désormais que très peu de place au mystère et aux secrets, l’un d’eux pourtant resté prisonnier de ses lèvres encore scellées. Ce n’était pas que Sloane ne voulait le partager avec sa meilleure amie, mais le verbaliser ne ferait que rendre les choses un peu plus tangibles alors qu’elle se tourmentait bien assez avec ce baiser aussi dépourvu de signification que de quelconque valeur. Tout d’abord parce qu’il était la conséquence d’une énième provocation, un affront de plus dont les limites avaient perdu de leur définition, troubles l’espace de quelques minutes avant que la réalité de l’incident ne finisse par rattraper les deux opposants. Et ensuite, parce que son adversaire n’était autre que Jun Goode, raison suffisante pour qualifier leur égarement d’erreur et le ranger dans les tréfonds des oubliettes avec le reste de ses — nombreuses — bavures passées. Mais là résidait tout le problème : elle y repensait. Trop à son goût, suffisamment pour qu’elle s’égare une fois encore et perde le fil de la conversation avec… C’était quoi son nom à ce gars déjà ? Nevermind.
« Hahaha mais non ? Incroyable ! Hilarant, vraiment, je m’en remets pas ! » Elle ne savait pas vraiment à quoi elle réagissait mais s’en préoccupait tout aussi peu, son seul intérêt porté sur comment se débarrasser de son compagnon de la soirée — ou plutôt des quelques minutes qu’elle avait eu la décence de lui accorder — visiblement satisfait du petit effet qu’il pensait avoir eu sur elle. La vérité voulait qu’il présentait quelques qualités, principalement physiques, ce qui en temps normal aurait été bien assez pour qu’elle accepte de le suivre jusque chez lui afin de le consommer. Mais l’envie n’était pas au rendez-vous, contrairement à sa frustration grandissante. « Je dois aller aux toilettes » annonça-t-elle davantage à l’attention de sa meilleure amie que son interlocuteur, le signal pour déguerpir lancé. Nouveau sourire forcé venu conclure la prétendue promesse d’un retour rapide qui n’arriverait jamais, et Sloane passa son bras sous celui de Mina, l’embarquant avec elle dans sa traversée des corps qui s’agitaient au rythme de la musique de la boîte. « On sort prendre l’air cinq minutes ? »
Le dos appuyé contre le mur de l’établissement, l’ancienne athlète expira longuement, soulagée par la fraîcheur nocturne. Elle reconnut l’une des chansons jouée à l’intérieur, les décibels étouffés par les parois, puis croisa le regard accusateur de la blonde. « Me regarde pas comme ça, je suis sûre que ton pote était aussi chiant que le mien. Puis je l’ai vu danser tout à l’heure, crois-moi t’as rien perdu… Tu devrais même me remercier de t’avoir épargnée de faire tout le travail toute seule ce soir. C’est ça l’amitié, Mimi, la vraie. » Elle l’aiderait à se trouver une nouvelle proie. Cependant elle savait très bien que ce n’était pas ce que lui reprochait Mina à travers ses grands yeux bruns, mais quitte à ne plus faire le paon sur la piste, autant faire l’autruche face aux confrontations. Volatile pour volatile après tout. « Je peux ? » dit-elle en désignant d’un signe de tête la cigarette calée entre les doigts de la danseuse. Sloane ne fumait pas, activité à laquelle elle s’était rarement prêtée lors de quelques écarts, et il ne faisait nul doute qu’une simple bouffée suffirait à ce qu’elle crache ses poumons sur le bitume. Issue cruelle qui ne vint à bout de sa soudaine volonté.

tw : tabac.

Mina termine son verre cul sec, non parce que là, elle a grandement besoin d’un coup de pouce pour supporter la discussion dont elle fait — malheureusement — partie. Il n’a pas l’air méchant, ce garçon, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle ne l’envoie pas sur les roses et ne se montre pas désagréable… Mais soyons honnête, ce n’est pas pour autant qu’il est intéressant. Du moins, pas ce qu’il raconte. Mais bon… Elle fait un effort, Mina. « Et donc, tu as changé de boulot quoi. » Oui parce qu’au final, tout ce blabla pour que la finalité soit simple et pas grandiose. Mina en a que faire des mésaventures et problèmes qu’il a pu avoir à son ancien travail, elle est venue ici avec Sloane pour se détendre… Encore une fois, il n’est pas vraiment méchant mais là, ça commence à être un peu pesant. Elle essaye avec ses paroles de mettre un point final à cette discussion interminable mais lui, n’a pas l’air de vouloir s’arrêter là. Puisqu’il reprend la parole, quelques secondes avant que Sloane lui attrape le bras. La jeune femme pose aussitôt son verre vide sur le comptoir, prenant à peine le temps de lui dire: « Je reviens- » On peut à peine entendre la fin de sa phrase, Sloane l’avait déjà embarqué à travers la foule.

Les deux jeunes femmes se font un chemin parmi toutes les personnes présentes, accédant enfin à la sortie comme peut l’indiquer l’air frais qui vient aussitôt caresser leurs visages. Une fine brise qui fait danser timidement leurs cheveux, un air frais dont Mina avait bien besoin. Elle pose alors son regard sur sa meilleure, non sans transformer son sourire amusé par un rire en écoutant les paroles de Sloane. « Non mais il était gentil… Mais pendant un instant, je pensais avoir changé de carrière et être devenue psy. Une chose est sûre, je ne supporterais pas ce métier. » Un soupir avant de sortir son paquet de cigarettes qu’elle cale entre ses doigts, mais au moment de sortir son briquet, les mots de Sloane lui font relever la tête dans sa direction. Ce n’est pas le genre de question qu’elle lui pose souvent, Sloane ne fume pas, mais Mina ne peut refuser, dans un premier temps parce que c’est Sloane et dans un second temps, cela serait tout de même très culotté de lui rappeler que ce n’est pas bon pour la santé sachant qu’elle se permet elle-même de fumer. Elle donne alors sa cigarette à Sloane. « Oui, tiens. » Elle allume le briquet, coupant le vent à l’aide de sa main gauche et approche la flamme de la cigarette que sa meilleure amie a entre ses lèvres, non sans ajouter un brin taquine: « Ne la jette pas quand tu vas recracher tes poumons, il m’en reste que très peu dans mon paquet. » Oui parce qu’il y a de très fortes chances pour que ça se termine comme ça. On parle tout de même d’une amitié qui dure depuis presque toujours, elles n’ont aucun secret l’une pour l’autre, elles se connaissent par coeur.

tw : tabac, alcool (mention).

La remarque de sa meilleure amie l’amusa, pas un brin surprise par son affirmation. Mina, en dépit du calme et de la douceur dont elle savait faire preuve, était née avec la bougeotte. Le genre de gamine incapable de tenir en place, la plupart du temps pour danser à l’écho de la moindre note de musique qui planait dans l’air, et parfois même sans accompagnement. Si Sloane devait évoquer un quelconque souvenir heureux avec la thaïlandaise, il était certain que parmi les très nombreux qu’elles avaient partagé, elle choisirait Mina en train de danser. Parce que Mina n’était jamais autant elle-même que lorsqu’elle se laissait porter par sa passion : pure, magistrale, entière. Et libre. Elle rayonnait, sa beauté plus évidente encore que d’ordinaire. Des images bien trop précieuses d’une destinée déjà toute tracée pour elle, loin des cabinets de psychothérapeutes. « Cela dit, tu pourrais te contenter de rester assise et de dire ‘et qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?’ façon Jamie Lee Curtis dans Freaky Friday. Ou même de rester assise tout court sans rien dire. Je suis sûre que des gens paieraient une fortune pour ça aussi. Et par les gens, je veux dire moi. » Parce que oui, elle s’imaginait parfaitement passer une heure entière à admirer Mina par simple plaisir. « Même si j’estime avoir déjà plus qu’épongé ma dette pour toutes tes charitables heures d’écoute avec les affaires que tu me piques tout le temps. Ne pense pas que je n’ai pas remarqué la disparition de mon sac Chanel. » Elle esquissa un fin sourire en coin à l’adresse de la coupable. Car tout ce qu’elle possédait appartenait tout autant à Mina.
Sloane saisit la cigarette et imita la blonde, le petit cylindre de tabac coincé entre son index et son majeur, le geste trop peu familier ou naturel. Elle le porta ensuite à ses lèvres, pincées autour du papier, et regarda la flamme s’approcher. Et il ne lui fallut pas plus d’une inspiration pour sentir sa cage thoracique s’embraser et tousser de toute son âme. « Okay, j’abandonne, il a suffi de cinq secondes pour que je voie ma vie entière défiler. Not a vibe. » Dramatique ? Un tout petit peu. Elle lui rendit aussitôt la cigarette, estimant avoir eu sa dose de tabac pour les dix années à venir. La prochaine fois qu’elle voudrait se détendre, elle saura se contenter de l’un de ses plus fidèles alliés en cas de crise : l’alcool. Finalement, un dernier verre ne lui aurait peut-être pas fait de mal, en plus de la rendre plus — trop — sympathique auprès de son ‘ami’ lâchement abandonné au bar ; le verre de trop pour son petit gabarit à la tolérance réduite et la quasi garantie de finir dans le lit dudit ami. Not a vibe either.
« Je crois que je veux un mec » lâcha-t-elle après une trop courte réflexion. « Attention, c’est à prendre avec des pincettes. On est pas à l’abri que je change d’avis dans l’heure, ce qui risque fortement d’arriver, donc n’en parle surtout pas à ma mère. Je suis persuadée qu’elle cache déjà une robe de mariée pour moi quelque part. » Union qui n’était pas prête d’arriver pour ce bourreau de travail dont les seules relations se résumaient à des ‘meh’ par défaut, des ‘pourquoi pas’ à durée limitée et oubliés en cours de route. Sloane n’avait jamais eu de véritable petit ami, tout comme son cœur ne s’était jamais emballé pour qui que ce soit, un comble pour cette amoureuse de l’amour, essence-même de sa profession et de la fondation de The Lab. Elle enviait celles et ceux consumés par le sentiment mais se savait incapable de faire preuve d’autant de vulnérabilité, dénuée de ce courage. Parce qu’elle n’avait pas eu à offrir son cœur pour le sentir se briser, et que la chute d’autres était venue renforcer sa crainte d’un jour le céder. Comme celle de Mina. « Tu repenses à lui parfois ? » Elle regarda la danseuse prendre une nouvelle bouffée de sa cigarette. « On sait très bien de qui je ne parle pas. Par conséquent, on sait aussi très bien de qui je parle. » Non-sens absolu mais elles se comprenaient et savaient qui se cachait derrière chaque qui.

@mina suwan

tw : tabac. langage grossier.

Mina esquisse un sourire face à la remarque de sa meilleure amie. Cette manie que Sloane a de toujours comparer des situations ou des comportements à des personnages de films ou de séries, raison n°58196 de pourquoi Sloane est et restera à jamais la meilleure à ses yeux. Mais son sourire s'efface peu à peu suite à sa remarque, ses sourcils se froncent. « Ton sac Chanel ? » Ça ressemble à une fausse comédie, comme si Mina faisait semblant de ne pas comprendre ce que Sloane disait, mais c'est la vérité. Du moins... Pendant quelques secondes, puisque ses neurones se connectent très vite entre eux. Ses yeux s'écarquillent, sa bouche s'ouvre de stupéfaction. « Oh putain, c'est vrai ! J'avais complètement oublié. » Non, cette fois c'est vrai... Mina avait réellement oublié qu'elle l'avait. Après tout, les deux jeunes femmes se partagent absolument tout. Tout ce qui appartient à Mina appartient également à Sloane, et inversement. « J'vais t'le rendre, c'est promis... Mais je n'avais aucun sac qui suivait avec ma tenue samedi dernier pour ma sortie avec mes collègues, tu t'en souviens ? J'voulais pas faire mauvaise impression... » dit-elle d'un air angélique, bien que Mina sait très bien que Sloane n'allait pas lui en vouloir, sinon, elle lui en aurait aussi voulu les cinquante autres dernières fois…
Après lui avoir donné une cigarette, Mina approche la flamme de son briquet près de cette dernière. Pas manqué, ni une ni deux, Sloane se met déjà à tousser. Réaction qui fait pouffer de rire Mina, non pas qu'elle se moque de sa meilleure amie — elle n'oserait pas, mais elle savait très bien comment les choses allaient se dérouler: bingo. Elle reprend alors sa cigarette qu'elle coince entre ses lèvres tout en rangeant son briquet dans son sac. « Dis toi qu'au moins, en plus de ne pas intoxiquer tes poumons, tu n'as pas non plus l'odeur de la cigarette sur toi. Sauf si tu as une meilleure amie qui te colle et qui fume comme un pompier. » Ah, c'est le cas ? Oops. « Mais, hé! J'ai commencé à noter plein d'astuces pour arrêter de fumer. » C'est un bon début, non ? Mina tire alors une taffe sur sa cigarette avant de se placer de façon à ce que Sloane n’ait pas la fumée. « Un jour j’y arriverai, et tu seras fière de moi. » Elle y croit, même s’il est vrai qu’elle a déjà répété à de nombreuses reprises qu’elle allait arrêter, chose qu’elle n’a jamais faite, Mina s’est surtout sortie d’une addiction plus grande et beaucoup plus grave que celle-ci. Lorsque la volonté sera là, plus rien ne pourra l’arrêter.

Un court instant de silence brisé par l'aveu de sa meilleure amie. Le regard de la jeune Thaïlandaise se pose sur Sloane alors qu'un fin sourire étire ses lèvres lorsqu'elle mentionne sa mère. « Tu veux dire que tu es prête à mettre un peu de côté ton travail ? » Parce que Sloane, c'est une acharnée du travail. Bien-sûr, Mina disait surtout ça pour la taquiner, c'est aussi pour cette raison qu'elle reprend, plus sérieusement cette fois: « Tu te sens vraiment prête ? Pitié, ne me dis pas que tu m'dis ça parce que t'as flashé sur ce type à l’intérieur ? Il est pas assez beau pour toi, et il a l'air chiant à mourir tu vaux mieux que ça Sloane non moi j’valide pas si tu veux mon avis. » Non parce que, quand elle y pense, d'où lui vient cette soudaine réflexion ? Ah non, elle n'espère que ça n'a rien à voir avec ce type. Même si pour être honnête, rares sont les hommes qui peuvent être à la hauteur de sa meilleure amie aux yeux de la danseuse, les standards de Mina sont trop élevés, peut-être, mais elle veut le meilleur pour celle qu'elle considère comme sa sœur.
La jeune femme tire une taffe sur sa cigarette alors que la question de Sloane la saisit aussitôt.  the sujet. lui. Bien-sûr qu'elle savait de qui elle parlait, et aussi, de qui elle ne parlait pas, d'ailleurs, cette remarque lui décroche un fin sourire alors que son regard se dirige vers le sol, la fumée de cigarette s'échappant de ses narines. Un sujet toujours aussi difficile à aborder pour elle, le temps passe mais les regrets restent ancrés en elle comme si toute cette histoire datait d'hier. C'est pour ça qu'elle n'en parle jamais, ses lourdes pensées lui suffisent, mais comme pour le reste avec Sloane... C'est différent. « Oui, souvent. » commence t-elle, relevant le regard vers elle. Elle ne cherche pas à se mentir à elle-même en disant le contraire. « J'espère qu'il va bien. » avoue t-elle, dans un sourire attristé, comme si c'était la seule question qu'elle se posait en pensant à lui... Parce que oui même ça, elle n'en sait rien. Depuis cette fameuse soirée où Robin et Noah avaient réglé physiquement leur compte, Robin ayant pris sa défense, Mina ne l'avait plus jamais revu. Incapable de savoir où est-ce qu'il se trouve à l'heure actuelle. Incapable de savoir comment il va. Rien du tout. Et c’est sûrement le plus déchirant.

tw : tabac.

« Hum hum, bien sûr, tout à fait. J’entends et comprends parfaitement » dit Sloane en hochant la tête avec une moue exagérée à mesure que Mina s’avançait dans ses explications, ou plutôt la piètre excuse venue justifier la disparition de son sac à main. Rien dont elle ne lui tiendrait rigueur, elles étaient beaucoup trop proches pour qu’un — bien que coûteux — simple accessoire vienne semer la zizanie entre elles. Si un homme n’y était pas parvenu lors d’une période critique pour elles, rien ne le pourrait, pas même Chanel. « Tout ce qui est à moi est à toi. » En terme matériel, un point qu’elle ne jugea nécessaire de préciser. « Mais pense à me prévenir, ô petit bandit des dressings. J’étais à deux doigts d’allumer un cierge et pleurer la perte de Coco IV. » Jamais excessive.
Sa vaine tentative de fumer se solda par un fiasco attendu. La gorge irritée par le tabac et la toux, la brune se donna quelques coups sur la poitrine pour se sentir à nouveau respirer, les traits encore déformés par l’expérience. « Je sens la cigarette ? C’est une blague ? Dis-moi que tu plaisantes. Je suis à deux doigts de courir jusqu’à la maison pour me baigner dans mon Manifesto. » Jamais dans l’excès, on le répète. Par précaution, elle attrapa quelques mèches de cheveux et les porta à son nez, puis réitéra le geste avec son bras et sa main pour s’assurer qu’elle ne sentait rien. Sous ses ongles parfaitement vernis persistait encore l’odeur de la cigarette, constat à l’origine d’une nouvelle grimace mais rien d’alarmant, ce qui ne l’empêcha de lancer un regard noir en direction de sa meilleure amie avant d’aussitôt se radoucir. « Je suis déjà fière de toi, Mina. » Un euphémisme quant à l’admiration certaine qu’elle lui portait. Car au-delà de ses accomplissements professionnels qui ne cessaient d’émerveiller la brune, Mina avait connu son lot d’épreuves personnelles et s’était reconstruite de cette traversée dévastatrice. Une époque au cours de laquelle chaque seconde avait été surplombée par la peur de la perdre, parfois un peu et d’autres pour toujours. Mais elle s’en était sortie, et elle allait bien. « Mais c’est pas moi qui vais t’en dissuader, j’encourage même vivement ! Tu pues, love. » Attaque aussi gratuite que taquine, soulignée par la malice évidente glissée derrière son sourire.
« Mettre un peu de côté quoi ? » Sloane le savait : si elle voulait se donner une chance de rencontrer quelqu’un et, par quelconque miracle, que cela puisse marcher, il fallait qu’elle lève le pied. Une éventualité envisagée mais jamais appliquée, ses priorités bien trop centrées sur sa carrière depuis, disons-le, toujours. Mais était-elle réellement prête à y remédier ? « Alors déjà : ew. Enfin pas ew parce qu’il y avait quand même quelque chose à faire de ce garçon mais me poser avec ? Certainement pas. » Et puis le fait qu’elle ait pris la fuite en pleine discussion n’annonçait pas vraiment les prémices d’une belle histoire d’amour. « Et je sais pas si je suis prête. J’en sais même rien à vrai dire. Mais… j’aime l’idée ? À voir dans la pratique mais tous les jours je vois ces gens entrer dans l’agence avec l’espoir, l’envie d’être amoureux et… je sais pas. Je veux connaître ça aussi. » Ressentir quelque chose. Autre chose. Le fameux ‘!!!’. « Je pourrais m’inscrire sur The Lab. J’ai rien à perdre à utiliser ma propre application, quoique peut-être pas avec mon vrai nom… Je sais pas encore. Et à la fois, ça me permettrait de tester ce qu’on propose à nos abonnés et de voir directement s’il y a des points à améliorer. Voilà, joindre l’utile à l’agréable. Parfait ! » Irrécupérable.
La jeune femme fit marteler son talon contre le sol, habitée par le regret d’avoir abordé un sujet qui, en dépit des années, demeurait sensible. Robin était parti. Du jour au lendemain, sans laisser penser que cette énième soirée avec Mina serait la dernière. Un départ précipité que Sloane continuait de lui reprocher, restée amère de l’effet qu’il avait eu sur sa meilleure amie. « Il n’y a pas eu de nouveau meme, je dirais que c’est plutôt bon signe. Quoiqu’il est peut-être devenu manchot, ou bien amnésique, ce qui expliquerait que t’aies eu aucune nouvelle. Au moins ce sont des excuses que je pourrais accepter. Peut-être » lança-t-elle avec un haussement d’épaules, comme dénuée de la moindre inquiétude — c’était faux. « Ce qui m’empêche pas de souhaiter qu’il se lève tous les matins en se cognant le petit orteil dans un coin. » Elle n’eut besoin de relever la tête vers Mina pour savoir qu’elle n’approuvait probablement pas ses espoirs certes vils, mais justifiés selon elle.

@mina suwan

tw : tabac.

Bien sûr que les paroles de sa meilleure font sourire la jeune danseuse. S’il y a bien une personne qui la connaît par coeur sur cette terre, c’est Sloane. Même ses propres parents ne la connaissent pas aussi bien, Sloane, elle, connaît tous ses moindres secrets. Toutes les choses qu’elle cache au reste du monde. « Désolée… Je pensais vraiment te l’avoir dit… » Et ce n’est pas un mensonge, jamais elle ne pourrait se permettre de voler — même si ça ne serait pas un vol, Sloane.
Un éclat de rire face à la réaction de sa soeur de coeur lorsqu’elle tente — pour une raison qui lui échappe — de fumer une nouvelle fois, toujours dans cette excès que Mina adore lorsqu’elle pense sentir l’odeur de la cigarette. « Mais non ! » La rassure t-elle avant d’ouvrir son sac à main, en parlant de Manifesto, Mina a sa bouteille de parfum sur elle. Ça tombe bien non? Un parfum que Sloane lui avait offert, d’ailleurs. Elle s’en saisit pour lui tendre, même si elle ne sent pas la cigarette, Mina sait que Sloane se sentira totalement mieux après s’être vaporisé de ce parfum. Un doux sourire étirant ses lèvres à l’écoute des paroles de sa meilleure amie. Toujours là pour lui rappeler qu’elle est fière d’elle. Des mots forts, que Sloane lui a toujours apportés et ne cessera jamais de le faire. « Et tu le seras encore plus quand j’arrêterai, tu verras. » Sincère et touchée, avant d’être coupée dans un rire lorsque sa meilleure amie reprend la parole. D’ailleurs, Mina ne tarde pas à récupérer sa bouteille de parfum afin de s’en vaporiser un peu sur elle. « Voilà- » Commence-t-elle, se vaporisant une dernière fois avant de ranger la bouteille dans son sac à main. « Comme ça j’pue plus. » Termine-t-elle avec un plissement de nez dans une moue faussement vexée.
Un soupir, Mina lève les yeux au ciel à la réponse de Sloane. Elle ne changera jamais — et heureusement, d’ailleurs. Mais tout de même. Le boulot, le boulot et encore le boulot. Elle l’écoute cependant avec attention malgré qu’elle ne soit pas la meilleure pour donner des conseils de ce côté là, il faut déjà qu’elle se sente prête c’est un fait mais l’amour reste imprévisible, ce n’est un secret pour personne. L’expression de la jeune danseuse retombe, passant d’une mine très sérieuse et concentrée, à une mine dépitée. « Mais t’as fini oui ?! » Elle la coupe aussitôt lorsqu’elle retombe dans ses travers. Et voilà, encore une fois, le travail vient s’immiscer. Elle ne changera définitivement jamais. « Stop le boulot ! » Continue-t-elle venant tapoter doucement le côté du crâne de Sloane. Comme pour faire rentrer ses paroles dans sa petite tête. Il n’est pas question de travail là, surtout pas sur un sujet aussi sérieux. « Si tu veux mon avis, je pense que ça serait une bonne chose que tu t'inscrives sur ton application, sous un faux nom ou pas d’ailleurs… J’suis sûre que ça peut beaucoup t’apporter. Tu feras de nouvelles rencontres et qui sait ? Peut-être que l’amour de ta vie se trouve là-bas… Dans tous les cas, ça reste une expérience. » Elle hoche la tête. « Tu sais bien que j’suis pas la mieux placée pour donner des conseils mais l’amour, le vrai, avec un grand A… tu mérites de vivre ça plus que n’importe qui. » Oh que oui, malheureusement, ça comporte aussi des risques. Oui, Mina ne peut s’empêcher d’y penser à cause de ses traumatismes, et l’idée que Sloane puisse passer par là pourrait la faire grincer des dents. Malheureusement, ce sont des choses de la vie dont on a pas le contrôle. Qui ne tente rien n’a rien. Et de toute façon, Mina sera toujours prête à faire vivre un enfer à la personne qui oserait faire du mal à sa meilleure amie.
Mais la conversation se dirige très vite sur un sujet beaucoup plus sensible pour la thaïlandaise. Un sujet qu’elle aurait très vite évité si ce n’était pas Sloane en face. La preuve en est : elle arrive à lui décrocher un léger rire sincère avec cette réflexion. Elle n’a pas tort, au fond. Elle sait que Sloane lui en veut énormément, elle le comprend, Mina aussi au fond, mais elle ne peut s’empêcher de culpabiliser. Peut-elle réellement lui en vouloir ? Lorsqu’elle retrace le film dans son esprit, tout prend sens. Évidemment qu’il s’était barré, elle aussi elle aurait aimé faire la même chose mais elle n’en a même pas été capable, pas tout de suite en tout cas… Ce qui lui a beaucoup coûté. Une partie d’elle comprend, une autre partie d’elle lui en veut, comment ne pas lui en vouloir ? Ils n’étaient peut-être pas ensemble mais avec lui, c’était différent. Une libération. Les moments qu’elle passait avec lui étaient comme des moments de pause dans l’enfer et le bordel qu’était sa vie. Alors oui, son coeur ne peut s’empêcher de prendre ça comme un abandon. Un soupir, Mina reprend une taffe de sa cigarette avant de reprendre: « De toute façon, on aura jamais l’explication. » Son cœur se resserre lorsqu’elle entend ses propres paroles, mais c’est la vérité… « Il en a sûrement eu marre, j’le comprends. » Un hochement de tête lorsqu’elle repense à l’ancienne Mina qu’elle était. Elle s’insulterait de s’être laissée faire, de ne pas avoir réagi avant. Elle ne peut s’empêcher de repenser à la dernière soirée, la soirée où lui et Noah en était même venu aux mains. Mina secoue la tête comme pour chasser ces souvenirs bien qu’il en faut plus que ça. « Mais quand même, j’le pensais pas capable de me laisser sans nouvelle du jour au lendemain. Alors le p'tit orteil dans le coin de la table tous les matins, ça serait mérité finalement. » Elle y avait pensé, repensé, cogité pendant des heures et des heures et cela lui arrivait encore parfois. Des questions auxquelles la jeune danseuse n’avait aucune réponse.