Aller à la fête de Genevieve n’était pas tout à fait une partie de plaisir. Certes, elle n’était pas ce qu’on pouvait appeler une mauvaise personne et elle entretenait avec Anneke une relation plus que courtoise qui durait depuis aussi longtemps que la brune pouvait s’en rappeler. Elle avait environ l’âge de son père et il lui semblait que Genevieve habitait déjà là lorsqu’ils avaient emménagé à New York une trentaine d’années auparavant, planquée derrière son père qui parlait un anglais bien plus courant qu’elle qui ne faisait aucun effort pour apprendre. Mais Ann ne s’était jamais sentie à l’aise dans ces petites mondanités, et si ce n’était pas pour le move tout à fait politique qu’était la promotion de l’album de Wes qui venait tout juste de sortir (quand bien même elle doutait que les habitants de l’immeuble puissent aimer ce genre musical, mais elle pourrait bien être étonnée), elle n’y serait pas allée.

Wes d’ailleurs avait trouvé le moyen d’être en retard et Anneke traînait des pieds, il fallait le dire. Par pur accès de flemme, elle avait ajouté une demi-tonne de faux sang à son outfit le plus gothique en guise de déguisement et s’en était contentée – après tout, Mrs Morrible semblait effarée au quotidien. Elle ne pouvait plus se permettre d’attendre son fiancé car d’après ce qu’elle avait compris, Harry et Agnes (qui étaient censés la rejoindre, tout de même) étaient déjà arrivés. Alors, elle se traîna hors de son appartement en direction de celui de Genevieve, non sans avoir inondé Wes de textos lui demandant de se dépêcher de la sortir de cette misère d’abord.

Au bout du couloir cependant, elle tomba nez à nez avec un florilège de ses voisins. Elle fronça les sourcils, et voyant-là une excuse pour gagner encore un peu de temps, lança : « Yo. Vous faites contre-soirée dans les couloirs ? Fallait le dire avant, ça m’aurait épargné la soirée de Genevieve ! »

Spoiler:

L’avantage quand on travaille dans les arts du spectacle, c’est qu’on ne manque jamais d’idées pour se déguiser et en l’occurrence trouver un costume d’Halloween original et drôle n’a rien de véritablement compliqué pour Arash. On pourrait penser qu’à son âge, le ténor se serait contenté d’une petite soirée pantouflarde devant Netflix, mais non. Bien au contraire, il a enfilé un costume de Shrek, particulièrement encombrant et s’est rendu à la soirée de l’Astor House où se trouvent déjà son frère et ses amis.

Petit retard à noter cependant puisque le transport n’a pas été aussi fluide que prévu par le brun. Les couloirs du métro peuvent être étriqués et il a du retarder la fermeture des portes plus d’une fois en essayant de se frayer un chemin dans un wagon bondé. Sans doute pas l’idée du siècle, mais le voilà prêt à rendre verts de jalousie les invités de Dame Geneviève!

L’arrivé à l’Astor se fait sans heurt, après si le building est accessible au fauteuil roulant de son frère, il est accessible à son costume de Shrek, il n’y a pas de raison. Un rassemblement louche de personnes attire cependant son attention. Il reconnaît Ann et s’approche d’elle en posant une main sur son épaule.

- Hellooo, on est tous en retard ou il se passe un truc croustillant dans ton immeuble de bourges ? D’ailleurs Wes vient pas ou il est toujours dans la salle de bain à se faire beau ?

Citation :

Arash débarque dans un déguisement de Shrek qui prend beaucoup de place et apercoit un rassemblement qui devient de moins en moins discret

Ann bondit en sentant la main d’Arash se poser sur son épaule, pas prête à rencontrer le brun ailleurs qu’à la soirée à laquelle elle était censée se rendre. Et que tout ce contexte d’Halloween la laissait un peu sur ses gardes. « Holy shit !! », s’exclama-t-elle avant de se tourner vers son ami et d’éclater de rire face à son costume. « Wow, salut, quelqu’un a fait des efforts ! » Puis, pour répondre à ses (multiples) questions, elle haussa les épaules : « Je pense qu’on est tous en retard, moi la première, et surtout ton pote, d’ailleurs. J’aurais bien voulu qu’il m’abandonne pas au milieu de la soirée chez Genevieve, la voisine raciste sera là et elle a peur de lui, ça m’aurait évité de l’avoir dans les pattes pour me parler de la sauge et du sel que j’ai laissé sur le pas de sa porte l’autre jour. » Une autre de leurs ruses afin de la rendre plus aigrie qu’elle ne l’était déjà. Ann y prenait un malin plaisir, Wes aussi, mais sans la présence du musicien – qui n’avait pourtant rien pour faire peur, même ses regards noirs étaient emplis de douceur – pour couvrir ses arrières, elle risquait bien de ne pas y échapper. « Hélas, il est retenu, il avait une réu ou je sais pas trop quoi pour son album, un truc chiant, bref il fait au plus vite. » Ann avait été obligée de crier la fin de sa phrase, une alarme sonore qu’elle n’avait encore jamais entendue jusqu’à présent ayant retenti dans les couloirs de l’Astor House. Elle se couvrit les oreilles, embarrassée par le bruit strident. « Putain c’est quoi ça encore ???? »

- Ouais bein figure toi que c'était bien la merde d'arriver jusque ici, j'ai peut-être écrasé deux trois personnes sur le chemin...

Il faut dire que le costume aussi original soit-il est loin de répondre à l'adjectif discret. Arash compte bien passer une bonne soirée cela dit et Ann et Wes, tout comme la plupart de son entourage sont des personnes avec qui il ne s'ennuie jamais. D'ailleurs c'est assez amusant de noter qu'ils s'entoure toujours de personnalités bien plus épicées que la sienne.

- J'arrive pas trop à savoir si t'essaye de la maudire ou de la purifier la voisine vu les ingrédients... Mais ouais il abuse ton mec. Eryn ne viendra pas d'ailleurs, j'ai tout essayé, je lu iai même proposé d'être ma Fiona, mais Marley s'est porté volontaire il a peut-être juste un peu de mal à enfiler sa robe...

Arash ricane de bon coeur, il est vrai que la population raciste est un poil trop représentée dans ce building, il s'étonne toujours de réussir à passer l'étape du portier. Alors qu'il s'apprête à changer de sujet, une alarme vient leur assassiner les oreilles et Arash serre les dents.

- C'est le moment scooby gang ou on a l'occasion de démasquer votre Arsène Lupin du dimanche tu crois ?

Les résidents sortent de leurs appartements, le groupe de jeunes qui trainait dans les couloirs semble s'agiter et s'organiser.

Ann aurait bien surenchéri au sujet de sa voisine raciste. Voulait-elle la purifier ou la maudire, rien de tout cela en fait, son but était uniquement de lui donner matière à râler – et matière à son couple à passer une petite soirée tout satisfaits de leur petite vanne après l’avoir entendue pester à travers la porte. Là où elle était un peu plus soulagée d’avoir été coupée par cette horrible alarme, c’est au sujet de Marley, et surtout d’Eryn. Mauvaise menteuse, Ann aurait été incapable de feindre ne pas être au courant des raisons du refus de sortir de son amie, et puisqu’elle n’était même pas certaine qu’elle ait déjà mis son propre mec au courant, elle n’avait pas envie de se mettre à bégayer.

L’alarme intervint donc au bon moment. Le bruit strident lui parcourait tout le corps. Incapable de faire autrement, elle se boucha les oreilles et peina à comprendre ce que lui dit Arash. Elle fronça les sourcils, puis, après quelques secondes de réflexion, ouvrit la bouche dans une expression de compréhension soudaine. « Ah mais oui ! », cria-t-elle au dessus de l’alarme « Je crois que j’ai reçu un papier là-dessus dans la boîte aux lettres. Je l’ai lu vite fait, peut-être que j’aurais pas dû le jeter tout de suite. » Elle haussa les épaules, les mains toujours sur les deux oreilles. « Tu veux devenir un héros, Saaedi ? Ce sera toujours plus fun que la soirée de Genevieve, nan ? »